[écriture] Journal de bord.

Qu'est-ce que Myriam peut m'énerver en ce moment... Dire qu'en primaire, plus précisément en CM2, on était toujours collées ensemble. Maintenant c'est un peu elle, qui me colle, moi. Avec Dina, avec Sophie, avec Sarah, on s'entend à merveille, on rigole bien, mais Myriam, c'est autre chose. Elle bouge sans arrêt, n'est jamais calme, toujours en train de faire quelque chose. Une chose qui ne sert souvent à rien, mais une chose... Ce qui fait qu'elle se retourne touuuut le temps, en nous donnant des coups de tresse. Mais moi c'est pas sa tresse qui m'insupporte le plus. Et elle parle. Elle parle. Elle ne fait que ça, de parler. Elle vient comme un petit toutou dès le matin, commence à raconter sa vie avant même de dire bonjour. Alors j'en ai marre. Et elle parle pour ne rien dire, ce qui est pire. Jamais un seul avis. Des oui mais, voilà, tu comprends, moi, enfin voilà quoi. Aucune idée. Et sa voix... sa voix... Peut-être que Madame Dominique la trouve jolie quand elle chante, mais quand elle parle, c'est l'horreur. Sa voix est tellement haut perchée qu'elle nous brise les tympans quand elle parle, et justement elle ne fait que ça. Alors moi, j'ai les oreilles qui sifflent au bout de la journée. Et pour finir sur elle, elle est bornée comme pas possible. On veut lui faire rentrer quelque chose dans le crâne par l'oreille droite, ça ressort par la gauche. Impossible de lui dire quoi que ce soit. C'est elle elle elle, moi moi moi.

Ma partie préférée; le volley! Et dans cette partie, je vais me défouler sur Myriam. Ayant dressé un petit portrait au dessus, pas besoin de la rabaisser plus que ce que je vais dire, à présent. Bon. C'était pas une très bonne idée de devenir super copine avec Sarah, Dina et Sophie. Surtout quand il y a Myriam près d'elles. Je les adore, mes copines, seulement comme j'ai envie de dire, à quatre amies une ennemie. Myriam n'est pas vraiment une ennemie en soi, mais elle a le don de m'énerver en une seconde. Une seule. J'ai envie de dire que le sacrifice et moi on ne fait qu'un, en cours. C'est moi qui me sacrifie pour laisser aux autres le plaisir d'être ensemble. Et c'est pour sauver Dina, Sarah et Sophie qu'avec Marie, on a pris Myriam avec nous. Je me disais, une fille chiante, c'est sûrement mieux que Jacques, de toute façon. Mais bon, comme d'habitude, je me trompais. On démarre un peu mal à l'aise. Enfin, moi. Myriam prend ses aises, elle est souriante. On voit bien qu'elle se force... Marie est pour le moment juste sceptique. On commence les exercices du professeur. Ca a l'air facile, quand c'est Paul, Simon et Yoann qui le font. Mais bon, le prof prend toujours les meilleurs élèves, alors nous ça ressemblait pas trop. Marie commence par lancer le ballon, Myriam doit le rattraper, me l'envoyer pour que je le lance en l'air et elle attaque au filet. Autant dire qu'on l'a réussi une fois. On recommence le même manège en changeant les rôles, moi qui lance, Marie qui attaque, Myriam fait le relais. Pour l'instant c'est assez normal, si j'ose dire. Et puis vient mon tour d'être la cible de l'exercice. Myriam commence à lancer le ballon n'importe comment, sûrement de sorte à ce que je ne le rattrape JAMAIS. Ce qui fait que Marie commence un peu à s'endormir et moi à crier sur Myriam. Elle a dû être vexée que je l'attaque verbalement, en face à face. Tellement vexée qu'elle est partie chercher le prof. J'avais fini mes dix réceptions. Le prof s'approche de moi, commence à me faire la morale, me dit de bouger, de récupérer le ballon comme-ci, de me placer comme-ça. Au final ça m'a pas aidée. Mais ça a aidé Myriam à assouvir son besoin de vengeance, sûrement. J'avais envie de pleurer. Pour trois raisons. La première est que Myriam et indirectement le prof m'avaient humiliée. Et je déteste être humiliée. La deuxième est que je venais de me faire crier sévèrement dessus par le prof alors que je faisais de mon mieux, tandis que Myriam, elle, ne faisait rien pour réussir correctement l'exercice. Et la troisième est que j'avais si mal aux avant bras que j'en pleurais. Mais je déteste pleurer. Je suis allée au petit robinet sous prétexte d'une petite soif. J'ai ouvert l'eau et me suis passée les bras dessous. Ca faisait du bien. Mais ils étaient toujours rouges. Et c'est là que je me suis rendue compte que je pleurais. Enfin, c'est en passant mes bras sous l'eau que deux larmes, une pour chaque oeil, sont tombées. Il fallait trouver une combine. Je mis un petit peu d'eau dans mes mains et les claquai sur mes joues. Comme ça, je pleurais pas, j'avais le visage mouillé, c'était du camouflage. A partir de là, on a commencé à parler de Myriam, avec Marie. Elle est venue me voir au petit robinet, en me disant qu'elle allait lancer le ballon n'importe comment à Myriam, histoire de lui montrer que le lancer, c'est important, et ça fait pas tout. Ce que c'était drôle de la voir courir dans tous les sens! A partir de là, on était méchantes. Aucune sympathie pour Myriam. Maintenant, on ne l'aimait pas. C'était l'adversaire dans notre camp. J'ai essayé, en comparaison, de lancer le mieux possible pour Marie. Elle ne méritait pas de partager mon sentiment de haine, parce que Myriam ne lui avait rien fait. J'avais l'impression d'être la seule à prendre des coups. Métaphore. Et puis on a commencé les matchs. Le début de la deuxième partie de l'enfer. Evidemment, on a dû rester avec Myriam. Il fallait pousser le sacrifice jusqu'au bout. Avec Marie, on est habituées aux notes très très basses en sport, alors un point de plus ou un de moins... Et justement. Myriam n'a pas l'air de compter sur les autres moyennes pour faire remonter la générale. Plutôt mourir que de la laisser avoir une bonne note au volley, après ce qu'elle nous fait endurer. On s'est mises d'accord. On est en alliance, avec Marie. On se fait des passes au possible, on joue à deux. Myriam, elle se débrouille. Tant pis si après, on se récolte une note collective en forme de rond. Je me fiche du sport comme de mes cheveux. Le problème, c'est qu'elle pense que tout tourne autour d'elle. Elle croit qu'on va lui laisser toutes les balles parce qu'elle est dans notre équipe. Mais non je suis désolée, chacune son poste, chacune son lieu. On s'était placées de façon à parer -presque- toutes les balles. Marie, au filet, plutôt vers la gauche, moi au milieu, vers la droite, et Myriam au fond, au centre. Mais Myriam se prend pour Miss Univers. Ronan avait lancé le ballon sur moi. Il est gentil Ronan, il est drôle, il me fait bien rire; et puis avec lui je m'amuse bien en SVT, c'est un chic type. C'est mon ami. Je m'apprêtais à rattraper le ballon, puisque je pouvais le faire pour une fois, quand une tresse gigantesque et un pull rose horrible se sont jetés dessus. Dans le filet. Point pour l'adversaire. J'allais la tuer. Pour une fois que moi, la pire moyenne de la classe en sport, allais rattraper un ballon, elle me le prenait comme si de rien était! Marie en avait ras-le-bol, vu sa tête. Elle se jeta sur Myriam et commença à lui crier dessus comme pas possible. Et l'autre qui faisait la sourde. Elle ne voulait pas se placer correctement, elle prenait toutes les balles, et les balançait comme des chaussettes en priant pour que ça passe le filet. Désolée, faut un minimum de technique. Marie l'a prise directement par les bras et l'a poussée au filet, pendant qu'elle allait au fond. Au moins tout le monde ne râlerait pas, cette fois. Et elle voulait toujours servir. Quand on sait pas, on s'abstient. Mais ça, Myriam elle connait pas. Elle nous arrachait le ballon des mains, se mettait derrière les plots et s'en débarrassait comme ses devoirs. Evidemment, que ça passait pas. Alors nous on chopait le ballon par terre le plus vite possible et on se disait d'un regard, avec Marie: "le passe pas à Myriam, elle sait pas servir". Alors on s'arrangeait comme on pouvait pour que Myriam touche le moins possible le ballon. Si seulement je pouvais la sortir de cette classe, comme j'aimerais le faire avec Gauthier. On serait une classe parfaite, avec quelques drôles pour égayer les cours, quelques intellos pour les sauver des interros, et quelques gens sympas qui coordonneraient le tout. Mais y a un fayot et une débile dans la classe, malheureusement. On fait avec. A la récré, Myriam s'est pris deux heures de colle, parce qu'elle avait son cahier d'activités de physique ouvert avec un crayon sur la table de ping-pong, où tous ceux qui avaient pas fait leurs exercices regardaient sur elle et sur Gauthier. Ce sont pas des lumières, pourtant. Et là, miracle, merci truc qui existe pas mais pour qui les gens se battent. Le prof est sorti. Il les a vus. Il a chopé les carnets. Deux heures. Je ne l'ai pas dit à Marie, parce qu'elle est amie avec Gauthier. Mais en moi je pensais qu'enfin j'avais ma vengeance. Enfin Gauthier et Myriam recevaient une correction égale à ce qu'ils m'ont fait endurer. Merci, merci Jean-Luc. Merci.